Jerome David Salinger, auteur
de l'Attrape-Coeurs est mort loin des écrans et des interviews, le 27 janvier
2010. Ce midi, dans l'émission Le Temps de
le Dire (Europe 1), le journaliste Pierre-Louis Basse a
interrogé le philosophe Bernard Stiegler sur le retrait volontaire de l'univers
médiatique de JD Salinger. Voici la transcription de cet échange :
"Pierre-Louis Basse : Franchement, c'est vous que nous
souhaitions entendre. Peut-on aujourd'hui avoir une relation au monde, une
réflexion des livres tout en échappant à l’image et au spectacle dévastateur
qui ne manqueront pas de nous engloutir ?
Bernard Stiegler : Il ne faut pas se couper du monde
totalement. C'est difficile d’exister, de penser si l'on n'est pas en relation
avec les autres. Maintenant, je pense qu’il est indispensable d'être un peu en
retrait et que l'attitude que Salinger a adopté quand son roman a eu ce succès
absolument extraordinaire, est absolument magnifique parce que je crois qu'il a
compris qu'en fait, normalement, une oeuvre littéraire, un travail
intellectuel, une recherche artistique, ne trouvent pas immédiatement son
public. Ca arrive parfois. De très grands cinéastes comme Charlie Chaplin, de
très grands savants, de très grands artistes ont parfois trouvé leur public
tout de suite, très vite en tout cas mais c'est absolument exceptionnel et
quand cela arrive, il faut faire extrêmement attention parce que c'est
dangereux. Je crois que Salinger l'a compris. Il s'est mis en retrait parce ce
qui l'intéressait n'était pas d'avoir du succès, c'était d'écrire, c'était de
penser.
Alors pourquoi, en ce qu'en règle générale, le travail littéraire, artistique,
intellectuel ne coïncide pas avec son époque ? Précisément parce qu'il explore,
il invente, il recherche et en règle générale, il est en décalage. C'est aussi
la raison pour laquelle, pour pouvoir travailler, il faut être soi-même un peu
en décalage, soi même à l'abri.
Alors, après, la question que vous me posez, se pose au 21e siècle dans un
monde extrêmement médiatisé où l'image compte de manière presqu'affolante, où
tout est média::tisé, où tout est industrie culturalisée si je puis dire. Tout
passe maintenant sur les blogs, sur Internet. Les questions évoluent. Les
réalités se transforment. Je pense qu'aujourd'hui, il faut absolument être
présent dans ce monde-là mais pas sur la modalité que ce monde-là voudrait nous
imposer dans la manière d'être présent."
Tag - internet
dimanche 31 janvier 2010
Echapper au monde médiatisé par Bernard Stiegler
Par Jean-Luc Raymond le dimanche 31 janvier 2010, 22:15 - Revue de Presse
mardi 6 octobre 2009
Digitainable, Monde transparent, Consubstantielle fragilité démocratique, Ciblage comportemental
Par Jean-Luc Raymond le mardi 6 octobre 2009, 09:25 - Tendance
La rubrique Tendances, c'est un condensé de ce
temps qui s'hume au présent avec un goût d'avenir. Expressions figurées et
imagées d'aujourd'hui, bribes de sens sur notre temps, concepts du moment...
Les mots soulignés correspondent à des traits de Tendances. Notre monde est en
invitation permanente de signifiance. Bonne lecture!
Digitainable : l'open space intelligent
"L'open space avait montré la voie à la rationalisation des m2. Sa version
2009, étendue, pourrait sceller l'union de la rentabilité financière et du
bénéfice environnemental par réduction de l'empreinte écologique des
entreprises, sur fond de "Clean Tech" alliant numérique et développement
durable. "Digitainable" (digital + substainable), c'est justement la formule
choisie par François
Denieul pour prolonger son défunt "Laboratoire des espaces intelligents" de
l'université Paris XIII. Ce gourou, qui conseille banques et multinationales,
n'oublie pas la question humaine. "Si les entreprises ont besoin de souplesse
dans la gestion de l'espace, l'individu, lui, a toujours besoin de s'approprier
un territoire", explique-t-il. Solution du futur (à l'état de prototype) : un
poste de travail sensible, capable grâce à ses capteurs, de distiller
l'éclairage (LED, bien sûr) approprié, tel un "cocon" lumineux".
(Thalyscope, Septembre-Octobre 2009)
Un monde transparent
"Raphaël
Enthoven, philosophe : "Vous avez aimé 1984 ? Vous adorerez les années
2000, c'est-à-dire l'époque où le danger ne vient pas d'en haut, mais d'à côté.
Méfiez-vous les uns les uns des autres : désormais, ce n'est plus Big Brother
qui vous regarde, c'est votre voisin de portable, que son téléphone transforme
en mini-Fouché. Nous avons moins à craindre un retour de la dictature ou de
l'ordre moral que le despotisme sournois de la transparence, la transformation
de l'espace public en une cage de verre où, devant le tribunal sans appel de
l'opinion publique, l'indiscrétion tient lieu de délation, l'information
disparaît sous le buzz, Internet et la presse trash font office de police
secrète, où la rumeur succède à la calomnie et où l'oeil de Moscou cède la
place à l'oeil de boeuf d'un appareil numérique"."
(L'Express, 1er octobre 2009)
La consubstantielle fragilité démocratique
"Jean-Claude
Guillebaud : "Comment sauverons-nous la démocratie sans l'élixir de la
croissance ? Nul ne le sait. C'est d'ailleurs vers cette Asie mirobolante,
cette Chine affolée d'enrichissement et d'Orient industrieux que la croissance
s'est expatriée. Ainsi, un fantasme nouveau hante-t-il désormais l'Europe,
celui de la consubstantielle fragilité démocratique. Voyez déjà comme nos
démocraties se durcissent, se raidissent tandis que réapparaissent, après
démaquillage, les corporatismes, les frivolités people, les individualismes
obstinés, les égoïsmes nus et cette "avidité des riches" que - bien avant le
Christianisme - condamnait Aristote. Danserons-nous encore longtemps sur le
Pont d'Avignon ?""
(TéléObs, 1er octobre 2009)
Ciblage comportemental des internautes
"Voilà plus d'un an que les grandes régies publicitaires sur Internet mettent
en oeuvre, en catimini, ce "ciblage comportemental". (...) A en croire leurs
promoteurs, une campagne ainsi conçue serait 2 à 3 fois plus efficace qu'une
publicité classique. Plus besoin de se cantonner aux sites proches de son
secteur d'activité pour acheter de l'espace (ciblage contextuel). (...) Tous
les grands ténors du Web - Microsoft, Yahoo, AOL... - ont concocté leur offre.
Google teste une solution qui devrait être commercialisée avant la fin de
l'année (...) Dans son principe, le ciblage comportemental repose sur 2
procédures : le traçage de l'internaute, puis son profilage. La première
opération s'effectue à l'aide d'un cookie. Ce fichier informatique envoyé par
le site visité sur le disque dur de l'internaute permet de tracer l'historique
de sa navigation à chaque connexion. La phase de profilage est plus délicate.
Pour être efficace, une régie doit pouvoir s'appuyer sur une audience
importante (10 à 15 millions de visiteurs uniques) et suffisamment diversifiée
pour constituer un large panel de profils (...) A partir de quand un internaute
est-il suffisamment "cerné" pour être rangé dans une famille donnée (cluster) ?
L'expertise des opérateurs est encore empirique. Chacun utilise ses propres
algorithmes."
(Enjeux Les Echos, Octobre 2009)
Crédit photo : Jean-Luc Raymond. Oeuvre de Street Art. Galerie Agnès B. Paris 4e. Octobre 2009.
lundi 5 octobre 2009
Formation Real Time Web - Formation Web de l'instantané
Par Jean-Luc Raymond le lundi 5 octobre 2009, 09:15 - Mes missions
En cette rentrée 2009, j'ajoute à mon catalogue de formations, une
nouveauté : une formation Real Time Web - Formation Web en Temps
réel. J'apprécie la traduction : Formation Web de
l'instantané.
Prochainement, j'aurai l'occasion de développer sur ce blog cette notion de
"Real Time Web" qui va prendre de l'ampleur en tant que pratique personnelle
mais aussi dans le monde des entreprises, des institutions et de l'économie
sociale (associations...).
La première session de formation Real Time Web que je
coordonne aura lieu à Paris, le 12 octobre 2009. Ci-dessous, une présentation
sommaire.
Pour plus d'infos (participation, programmation d'une session de formation...) : jeanluc.raymond@gmail.com

Formation Real Time Web - Formation Web de l'instantané
Contexte
Le monde de l'internet et de ses pratiques évolue. De la facilité d'écriture et de mise en ligne de ses contributions (blogs...) à l'échange au sein de réseaux dits "sociaux" entre connaissances (Facebook...) ou pour des pratiques professionnelles (Viadeo, LinkedIn...), des outils ont favorisé la mise en ligne collaboratives de productions audiovisuelles (FlickR pour les photos, DailyMotion ou YouTube pour la vidéo...), la capitalisation de connaissances (marque-pages jouant sur la popularité tels Del.icio.us...) et la personnalisation de pages (Netvibes...) remodelant l'utilisation du Web pour les entreprises et les particuliers. Le microblogging (Twitter...) ajoute une dimension d'échanges et de publication instantanées avec un écosystème d'applications liées.
Qu'est-ce que le Web de l'instantané ?
Au-delà de ces aspects, une nouvelle tendance forte émerge sur l'Internet aujourd'hui : la création de services, outils en ligne, moteurs de recherche spécialisés... autour de la diffusion d'instants, de témoignages et d'informations sur un mode en temps réel et de façon publique. On appelle cela le "real time Web" (ou Web en temps réel) ou encore Web de l'instantané.
Ce nouveau paradigme de l'internet se présente comme un flux très abondant de données diffusées de manière continu et une surabondance, un journal minute par minute de ce qui se dit, se fait et se pense... Avec une recherche permanente de construction ou reconstruction d'une identité numérique ou empreinte numérique au sein de ce flot de données en circulation sur Internet : le lifestreaming.
Les mondes de la communication, des médias, du marketing, les entreprises et organisations se doivent de comprendre les mécanismes du Real Time Web et de mettre en place des projets d'action cohérents.
Contenu de formation
Au cours de cette journée, il est proposé de découvrir quelques outils et utilisations qui refaçonnent de façon prégnante cet Internet d'aujourd'hui en devenir autour de cette notion de Web de l'instantané :
- La notion de "hub" (noeud de réseau) : l'identité d'une personne, d'une marque, d'une association, d'une organisation ou d'une entreprise sur Internet n'est plus associée à un site internet qui "centralise" les informations mais à un faisceau d'une présence différenciée sur le Web. Quels sont les outils et les exemples de bonnes pratiques qui permettent d'assurer une telle présence en ligne ?
- La capitalisation et recontextualisation de l'information publiée et disponible sur le Web sur un espace Internet pluriel (lifestreaming) qui permette d'agréger des articles, photos, vidéos, annotations... Et ceci de façon simplifiée. Des outils permettent aussi de créer de nouvelles narrations et une capacité d'expression individuelle ou collective ; faisons connaissance avec ces applications,
- L'analyse des flux de données diffusées et d'informations capitalisables à travers des nouveaux moteurs de recherche spécialisés, des outils statistiques, des agrégateurs d'infos de nouvelle génération qui permettent de filtrer et garder en mémoire les éléments qui vous intéressent. Quels logiciels en ligne utiliser pour quels objectifs ?
- Le rôle de l'attention : Dans cet internet où l'instantanéité est de mise... Quelle est la place pour un recul critique ? Quelles compétences sont nécessaires pour agir et mettre en place des projets en tenant compte de cet Internet ?
lundi 24 août 2009
Michel Serres, crise dans l'éducation et droit d'auteur sur Internet
Par Jean-Luc Raymond le lundi 24 août 2009, 18:37 - Revue de Presse
Le quotidien Les Echos poursuit ses entrevues "Grands témoins" en
interrogeant des personnalités sur la Crise du Siècle. Quel
est leur regard et leur point de vue sur cet évènement majeur. Dans son édition
du jour, le philosophe Michel Serres
présente son approche de la Crise et plus largement de la conjonction des
crises récentes. Il considère notamment que l'éducation subit des
bouleversements majeurs sous-estimés et s'intéresse aux questions de régulation
avec la question du Droit d'auteur sur Internet ; extraits
:
Crise majeure dans l'éducation
"Est-ce que l'ampleur de la tempête de l'automne a modifié un peu votre vision ?
Si nous nous étions vus n'importe quand au cours des 25 dernières années j'aurais pu vous décrire l'ampleur de la tempête que subissent les instituteurs, les professeurs du secondaire et du supérieur. La génération a changé, le savoir a changé, la transmission a changé... Ce que nous avons subi dans l'enseignement est un tsunami de la même importance que ce que vous avez vécu dans la finance. La vôtre de crise a fait plus de bruit, mais la société n'a pas prêté au tsunami vécu par ses enfants une attention à la mesure de l'évènement. Elle préfère son argent à ses enfants. Je me dis souvent que les gens ne se rendent pas compte de ce que vont être les prochaines générations adultes. Je vois l'importance de votre crise, les milliards en jeu, l'effondrement de certaines fortunes. Mais avez-vous conscience de l'effondrement des savoirs ? Il n'y a plus de latin, il n'y a plus de grec, il n'y a plus de poésie, il n'y a plus d'enseignement littéraire. L'enseignement des sciences est en train de s'effondrer partout."
"Toutes les lois qu'on veut faire sur les droits d'auteur et la propriété sur Internet, c'est de la rigolade"
"Vous accordez beaucoup d'importance au droit. Notre monde a beaucoup de problèmes de régulation : finance, droits d'auteur sur Internet...
Dans une société, il y a des zones de droit et des zones de non-droit. La forêt était jadis une zone de non-droit infestée de malandrins et de voleurs. Un jour, pourtant, un voyageur traversant la forêt de Sherwood constata que tous les voleurs portaient une sorte d'uniforme ; ils portaient tous un chapeau vert et ils étaient sous le commandement de Robin Hood. Robin, qu'est-ce que ça veut dire ? Celui qui porte la robe du juge. Robin incarne le droit qui est en train de naître dans un lieu où il n'y avait pas de droit. Toutes les lois qu'on veut faire sur les droits d'auteur et la propriété sur Internet, c'est de la rigolade. Internet est un lieu de non-droit comme la forêt dont nous parlions. Or un droit qui existe dans un lieu de droit n'est jamais valable dans un lieu de non-droit. Il faut que dans ce lieu de non-droit émerge un nouveau droit. Dans le monde de demain doit émerger un nouveau droit. Si vous voulez réguler le monde d'aujourd'hui avec le vieux droit, vous allez échouer, exactement comme on a fait sur Internet. Il faut attendre que dans la forêt d'Internet on puisse inventer un droit nouveau sur ce lieu de non-droit. Plus généralement, dans cette crise qui fait entrevoir un nouveau monde, ce n'est pas le droit ancien qui va prévaloir."
lundi 4 mai 2009
Twitter et enseignement : exemple en philosophie
Par Jean-Luc Raymond le lundi 4 mai 2009, 16:35 - Revue de Presse
Dans son édition du 30 avril 2009 (n°3322), l’hebdomadaire La Vie consacre un dossier de 4 pages sur les
réseaux sociaux intitulé "Développez vos relations sur Internet" dans la
rubrique Vivre Ensemble. L’accroche est séduisante : "My Space, Twitter,
Facebook… Les clés pour faire un bon usage des réseaux sociaux". Vous
retrouverez sur le portail de La Vie,
un article largement consacré à Twitter ainsi qu’une
présentation de 4 réseaux sociaux en quelques clics : Facebook, Twitter,
MySpace et Beboomer.
Dans la version papier de l’hebdomadaire, un encart est consacré à une
utilisation intéressante de Twitter dans un contexte pédagogique. La parole
appartient à un professeur de philosophie : "François Jourde, prof de philo :
Un apprentissage déterminant" ; extrait :
"Pour mes élèves, j’ai choisi Twitter, qui a l’avantage d’être simple
dépouillé, sans publicité (pour l’instant) et encore en développement. Je leur
ai demandé d’ouvrir un compte afin de se familiariser avec cet outil, puis
d’inviter des personnes à les rejoindre. Peu à peu, notre réseau a formé une
toile qui n’a pas de centre. L’utilisation de Twitter a permis de décomplexer
mes élèves, surtout ceux qui avaient des difficultés à s’exprimer ou à nouer
des contacts à l’extérieur. Certains ont même sollicité des spécialistes pour
enrichir leurs exposés, ce qu’ils n’auraient jamais fait autrement. Avec
l’arrivée des réseaux sociaux, avoir une identité numérique est devenu une
nécessité. Encore faut-il savoir la construire. C’est pourquoi il faut
accompagner les jeunes, afin qu’ils utilisent ces outils de façon intelligente.
Dans le monde actuel, savoir faire communauté est un apprentissage déterminant.
Si Twitter peut y aider, pourquoi s’en priver ?"
François Jourde est Professeur de Philosophie et de Psychosociologie de la
communication (Lille, France). Voici l'adresse de son Twitter : http://twitter.com/francoisjourde .
dimanche 26 avril 2009
Joël de Rosnay, Internet s'auto-organise en un méta-ordinateur mondial
Par Jean-Luc Raymond le dimanche 26 avril 2009, 12:09 - Revue de Presse

Dans le nouveau numéro de Research.eu - Magazine de l'espace européen de la Recherche (n°59, Mars 2009), parole est donnée au scientifique français Joël de Rosnay qui s'exprime sur l'avenir de la civilisation numérique et d'un Internet "vivant" avec des risques inhérent à son développement ; extrait :
"(…) La civilisation numérique dans laquelle nous entrons progressivement ne se résume pas à Internet, mais elle englobe également les télécommunications (téléphone, télévision), les satellites, les environnements intelligents… Il reste que l’Internet de demain, avec ses blogs, emails, vidéo, messageries, systèmes mobiles, favorisera une encore plus grande interaction entre les utilisateurs. Internet s’est développé comme un système darwinien, de manière buissonnante comme la vie elle-même, à l’image de l’arbre de l’évolution du vivant. Il y a peu de planification d’ensemble dans l’évolution du réseau mondial, mais des myriades d’initiatives individuelles ou de petits groupes. On assiste à l’auto-organisation d’une intelligence "collaborative" ou "connective" - termes que je préfère à "collectives" (...)
Les potentiels sont très grands : par exemple, en repensant les rapports entre les politiques et les cybercitoyens, ce qu’il faudra de toute façon faire, on pourrait inventer une véritable cyberdémocratie, bien plus participative, qui viendrait compléter la démocratie représentative traditionnelle. Cela suppose évidemment d’œuvrer pour que cette intelligence émergente conduise à ce que James Surowiecki appelle "The Wisdom of Crowd" (la Sagesse des foules). Mais rien ne dit que cette sagesse se manifestera toujours dans la bonne direction. Les foules peuvent aussi devenir folles, amplifier des effets minimes, réagir de manière épidermique ou se retourner contre ceux qui posent des questions (…)
Le risque principal (au développement de la civilisation numérique) est celui d’une société duale, qui cumulerait un individualisme forcené (tel qu’on le voit souvent chez les jeunes) et un tribalisme croissant, un communautarisme de plus en plus fort, ce qui me fait craindre des mouvements grégaires emmenant des gens ensemble vers des directions auxquelles ils n’ont pas assez réfléchi. J’ai déjà écrit que plus le monde se mondialise, plus il se tribalise. C’est à la fois positif et négatif : les gens tiennent à leur pays, à leur culture, à leur langue, à leurs racines, à leur territoire, tout cela est un plus. Mais poussé à l’extrême, cela débouche sur un nationalisme exacerbé qui devient dangereux."
jeudi 16 avril 2009
Vie privée et Internet, les réseaux sociaux utilisés activement pour des enquêtes
Par Jean-Luc Raymond le jeudi 16 avril 2009, 10:23 - Revue de Presse
Les détectives privés utilisent bel et bien Internet et notamment les
réseaux sociaux pour enquêter. Goolam Monsoor, gérant du groupe AS Consultant Détective révèle quelques-unes
des pratiques dans une mini-interview pour le mensuel Chronic’Art du mois d’Avril 2009 (n°54) ;
extrait :
"Les moteurs de recherche facilitent les recherches à un niveau
international. Hormis les recherches classiques d’informations sur les sites
des entreprises, nos abonnements à des banques de données telles que
Société.com, Infogreffe, Cadastre et Kompass nous font gagner du temps. Par
ailleurs, le logiciel de géolocalisation par satellite facilite les filatures
dans des conditions spécifiques et la transmission des images via Internet nous
permet de faire des surveillances à distance. D’autres applications permettent
de rechercher les preuves de détournement de clientèle, un savoir-faire, dans
des disques durs d’ordinateurs.
Facebook, LinkedIn, Plaxo, Twitter, Copains d’Avant et autres réseaux
permettent d’obtenir des informations ouvertes, je dirai même « offertes » au
grand public. Il est évident que nous utilisons ces réseaux, puisque les gens y
exposent naturellement leur vie privée."
mercredi 15 avril 2009
Robert Redeker, Conduire l'information
Par Jean-Luc Raymond le mercredi 15 avril 2009, 10:46 - Revue de Presse
Dans la nouvelle édition de Médias (numéro 30 – Printemps 2009), le philosophe
Robert Redeker s’interroge sur le statut de l’information, de sa distribution à
sa rediffusion, à l’heure du Web, dans une tribune intitulée : Le journalisme
au défi d’Internet. Robert Redeker présente la métaphore de l’électricité
:
"Dans cette nouvelle forme de société, les informations ne se consomment pas
(d’où la double crise du modèle télévisuel charpenté autour de la grand-messe
du journal de 20 heures, et de la presse quotidienne version papier) : elles
traversent, elles parcourent ; chacun est appelé à les faire circuler, les
faire rebondir, les renvoyer (les « forwarder »). Les blogs et les sites
participatifs s’inscrivent dans cette nouvelle approche de l’information.
Plutôt que produit de consommation, l’information est, désormais, une sorte de
courant électrique, électronique, ou de fluide, qui traverse chacun : nous
sommes tous des conducteurs d’informations.
Rien n’est plus assuré : le consommateur d’informations tel qu’on a pu le connaître depuis une quarantaine d’années est destiné à sombrer dans la caducité pour la bonne raison que nous entrons, avec Internet, dans un régime inédit de l’information, le conducteur ayant pris la place du consommateur.
Nous ne consommons plus les informations, nous les conduisons à l’instar de ces corps dont on dit qu’ils sont « conducteurs » de courant électrique. Ou bien, pour reprendre la métaphore spirite, parfaitement descriptive ici : le médium, chacun d’entre nous, conduit et reconduit le fluide qui le traverse, l’information. C’est la circulation à la plus grande vitesse possible, celle qui frôle la vitesse infinie, qui constitue l’impératif catégorique de la société de l’information, pas la consommation."
mardi 14 avril 2009
Une actualité en évaporation
Par Jean-Luc Raymond le mardi 14 avril 2009, 10:10 - Revue de Presse
Comment se distinguer, se différencier dans les médias, sur Internet et en
dehors d’Internet. L’excellent magazine trimestriel XXI (Vingt et un) se pose
la question dans l’éditorial de son nouveau numéro (numéro 6, Printemps
2009). Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry pensent que l’ «
actualité profonde » et « la force des choses vues », le pouvoir du « raconter
» et les reportages, les « histoires » sont une des façons efficaces de mettre
en forme une information qui ne s’évapore pas. Leur analyse de l’information
liquide est particulièrement intéressante :
"Les « événements » sont désormais traités en temps réel, rien qu’en
France, par six radios, trois chaînes de télévision d’information continue, une
vingtaine de sites Internet liés aux quotidiens ou aux hebdomadaires, cinq
rédactions exclusivement Web qui sont nées depuis deux ans, et une kyrielle de
blogs en tout genre. Ces médias s’interpénètrent de plus en plus. Le dernier
site à la mode, Twitter, invite ses adeptes à envoyer de très courts messages
sur tout ce qu’ils voient, pensent et dénichent. L’internaute devient ainsi une
agence de Presse ou un moteur de recherche ambulant pour les
autres.
Il faut pourtant se méfier des illusions d’optique. Les études montrent que
70% des informations qui circulent dans ces gigantesques accélérateurs de
particules sont… les mêmes dépêches, indéfiniment dupliquées. À chaque jour son
« buzz », sa rumeur qui enfle, sa polémique, sa révélation sur laquelle nous
sommes aussitôt sommés d’avoir un point de vue. À peine avons-nous forgé une
opinion que l’information est aussitôt remplacée par une autre, toute aussi
capitale que la précédente et ainsi de suite.
Cette circulation circulaire de l’information finit par créer une
représentation du monde virtuelle, chaotique et inintelligible, qui n’a plus de
liens avec ce que chacun d’entre nous peut vivre, ressentir et voir."
dimanche 21 décembre 2008
Facebook, vide d'absence et différenciations générationnelles
Par Jean-Luc Raymond le dimanche 21 décembre 2008, 09:02 - Revue de Presse
Dans la nouvelle édition de la revue Médias (n°19 - Hiver 2008), Bruno
Marlière signe un article sur sa découverte de Facebook (en trois jours
chrono), de la création de son compte à l'exploration de l'utilisation de
la plateforme "relationnelle", un papier plein d'étonnements, d'humour et de
questions : "Comment Facebook est devenu ma cour de récré".
Extrait de cette aventure, le 3e jour :
"Après quatre heures de vertige, je ferme à regret la fenêtre de récréation Facebook et fais ressurgir ma salle de classe, ma page Word. Un léger vide m'envahit, un vide de séparation, de celui que chacun ressent quand il raccroche au téléphone et quand le "bon ben, salut!" semble dérisoire, faible, mal assuré. C'est un vide d'impossibilité de faire, de celui que chacun a ressenti lorsque, dispensé de piscine car enrhumé, il restait assis au bord du bassin à regarder ses copains de classe faire des longueurs. C'est un vide d'absence.
Dire que Facebook est une drogue est faux. Ou alors l'amour est une drogue, l'amitié aussi. Aimer se marrer, manger avec des potes, se raconter des histoires, jouer, aimer tout court, c'est seulement aimer la vie. Dès lors, comment ne pas comprendre l'attraction pour un réseau perpétuellement connecté, où séparation et disparition ne sont qu'actes volontairement et individuellement consentis ?
Entre la page Bruno Marlière et celle de Léa, ma fille de 17 ans, il y a un monde, il y a des siècles. Pourtant, c'est le même outil. Mon Facebook semble statique, littéraire, confiné, organisé, comparé à celui de Léa, si mouvant, rapide, synthétique, expansionniste et surprenant."
Bruno Marlière indique là que l'utilisation de Facebook varie selon les générations avec des différences marquées dans la rapidité des interactions, les textes courts qui y sont présents (micro-publication) et les notes éditées. Les différenciations d'utilisations générationnelles de Facebook sont peu mises en avant dans les médias.
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